Être frère ou sœur de charité

Le 20 juin prochain, aura lieu un grand rassemblement des Confréries de charité de Normandie, principalement de l’Eure et du Calvados, à Lisieux, en présence de plusieurs de nos évêques. Plusieurs centaines de frères et sœurs de charité sont attendus et tous les chrétiens sont invités à participer à cette journée.

Les Confréries de charité sont un élément très riche de notre patrimoine normand, facteur important de liens de proximité dans notre monde rural en pleine mutation. Malgré cela, elles sont trop souvent mal connues, perçues comme simple survivance folklorique d’un passé révolu. Or, la renaissance chaque année d’une ou deux confréries montre combien elles sont un outil d’avenir.

 

L’histoire des Confréries

Les confréries de Charité datent du Moyen Age ; les plus anciens livres de charités en attestent : ainsi la confrérie d’Orbec aurait été fondée en 1006, Broglie en 1017, Lisieux vers 1055, Menneval en 1080, Ailly en 1144… La Charité de Réville aurait même participé à l’enterrement de Guillaume la Conquérant et figure à ce titre sur la tapisserie de Bayeux. Attestées dès la fin du IXe siècle à Rouen, elles se sont multipliées assez rapidement, – on en trouvait plusieurs par paroisse de la ville –, et ont essaimé très vite dans le monde urbain, comme dans le monde rural, de toute la province ecclésiastique de Rouen.

Les confréries médiévales normandes, ou charités (ce nom est surtout attesté à partir du XVe siècle), ne sont pas des confréries caritatives : leur rôle n’est pas de secourir les pauvres, les malades ou les voyageurs. Ce sont des confréries de dévotion, placées sous le patronage d’un ou plusieurs saints, érigées, comme l’attestent les écrits les plus anciens, pour permettre de mieux vivre entre frères et sœurs la vertu de charité : secours mutuel et union de prière. 

Les membres cherchent à mettre en pratique entre eux la vertu de charité. Ainsi, il est tout d’abord charitable envers son frère ou sa sœur de prier pour lui, ou avec lui. La prière commune ne s’arrête pas avec la mort des membres : les confréries prient pour tous, « tant vifs que trépassés ». Une fois par an, au moins, la confrérie se rassemble pour une messe en l’honneur de son saint patron.

À la Révolution, toutes les confréries sont interdites par décret du 18 Août 1792 et tous leurs biens confisqués. Mais beaucoup continuent d’œuvrer car … on continue de mourir. Le concordat les rétablit officiellement le 23 fructidor an IX (10 septembre 1801).

Dès les années 1980, les premières formations à l’accompagnement des familles en deuil et à la célébration des funérailles voient le jour. Les frères de charité sont fortement incités à suivre ces formations et dans une note diocésaine officielle il est clairement dit que :

« Les frères de charité peuvent avoir une grande place dans l’évolution et la mise en place de cette nouvelle forme de célébration. En général ils sont bien implantés dans la population, ont un signe (le chaperon) et leur appartenance à l’Union Diocésaine des Charités donne une dimension d’Église». Les frères qui ont suivi plusieurs sessions de formation ne sont pas rares.

Aujourd’hui, les confréries continuent d’assurer bénévolement leur rôle funéraire, mises au caveau traditionnelles ou retour d’urne après incinération. Parce qu’elles sont une tradition vivante, nos confréries continuent d’évoluer tant dans leurs règlements que dans leur recrutement, leur mode de fonctionnement : leur histoire s’enrichit sans cesse.

 

La tenue et les ornements

Les frères et sœurs de charité sont facilement reconnaissables, grâce au chaperon qui, toujours superbe, varie en couleur et en forme. Plus ou moins long, avec ou sans rond, vestige du « capelle » (sans doute le portait-on autrefois sur la tête), de couleurs variées bleu ou vert pour les plus anciens, généralement rouge au XIXe siècle, rappelant ainsi la dévotion au St Sacrement, noir pour les inhumations, portant brodé soit la date de création de la confrérie ou la date de confection du jeu de chaperons, ils sont aussi plus ou moins larges. En général ils portent l’effigie du St Patron de la confrérie et une Vierge ou un ostensoir.

Certains frères portent une tenue spécifique : ce sont les tintenelliers, qu’on appelait aussi autrefois « clocheteux ». Beaucoup ont une dalmatique, ou tabar, superbe et très brodée.

Le patrimoine des confréries se compose en outre des attributs du frère, torche, bannière, tintenelles et croix, et du mobilier : coffre, ou banc de la charité, livre de charité ou matrologe, chambre ou maison de charité, vaisselle de la charité. Il ne reste que peu d’images ou agrés de charité.

Ce patrimoine, cet enracinement dans le passé donne leur force aux confréries d’aujourd’hui pour accomplir leur service.

Tournées vers l’avenir

Les confréries sont une chance pour nos villages où elles permettent de créer des liens entre les habitants et ce n’est pas par hasard que des maires viennent demander comment il faut faire pour recréer une confrérie. Sur le plan civil, nous sommes une association laïque (association loi de 1901) ; selon les demandes des familles, les frères offrent leurs services pour les inhumations civiles : nous ne portons pas alors le chaperon, signe d’Église, mais la confrérie porte dans sa prière tous ceux qu’elle a porté en terre.

Elles sont une chance pour l’Église, car les frères sont signe de proximité, témoins de la foi, appel à se donner. Les évêques de Normandie sont toujours impressionnés quand ils voient le jour du rassemblement une église remplie d’hommes et de femmes.

Elles sont une chance pour nos jeunes qui trouvent dans la confrérie une occasion de servir, d’être reconnus, de s’inscrire dans une histoire et d’en écrire une nouvelle page.

 

Le rassemblement des Confréries de charité de Normandie est organisé par les responsables diocésains
de l’Eure : Michel de Vaumas, Christian Hue
et du Calvados : Dominique Letorey, Jean-Aymé de Sanderval

 

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