Homélie – jubilé des prêtres

Prêtres jubilaires – Fête de Saint Barnabé – 11 Juin 2016

Jésus disait à ses apôtres :

Sur votre route, proclamez que le Royaume des cieux est tout proche.

Matthieu 10,7

Frères prêtres jubilaires,

Je pense qu’en vous voyant ici rassemblés, Jésus peut aussi louer le Père pour votre fidélité et le don de votre vie. Ce qui vous aide à tenir depuis votre ordination, ce sont la prière et l’amitié fraternelle et un cœur de pasteur. Voilà ce que vous a donnés le Père par son Fils Jésus. On ne peut tenir dans la foi sans la rencontre de Jésus et de ses frères : Une main pour Dieu, une main pour les hommes. C’est ce qu’a expérimenté Barnabé au contact des païens qui se réjouissaient d’entendre la Bonne Nouvelle du Salut au travers les témoignages de Paul et de son compagnon. Plus que quiconque Paul avait fait l’expérience de la miséricorde de Dieu dans sa vie. Au fur et à mesure que nous avançons dans la vie, nous faisons l’expérience de la miséricorde du seigneur pour nous et de son immense confiance. Il y a bien des pages du livre de notre vie que nous voudrions arracher. Mais Dieu les garde car il écrit droit avec les lignes courbes de notre histoire. Le Pape François le rappelait récemment au cours du jubilé des prêtres à Rome. Il a même cité ce passage magnifique de Bernanos à la fin du « Journal d’un curé de campagne » quand ce dernier dit : « Je suis réconcilié avec moi-même, avec cette pauvre dépouille. Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus Christ ». Le P ape François dit que l’unique force capable de conquérir le cœur des hommes est la tendresse de Dieu. Comment alors témoigner de la tendresse de Dieu pour l’humanité si nous ne l’avons pas expérimentée pour nous mêmes comme Paul et Barnabé ?

Une histoire d’amour.

La foi chrétienne est bien une histoire d’amour entre Jésus et son disciple. Dans l’évangile, St Jean rappelle à la communauté chrétienne que le disciple de Jésus est celui qui L’aime et aime ses frères. « Nous, nous avons reconnu et nous avons cru que l’amour de Dieu est parmi nous. Dieu est amour : celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu en lui »( Jean 4,16). Si l’on peut voter par procuration, on ne peut pas être chrétien ainsi. Ce n’est pas parce que l’on a une vieille tante au Carmel que l’on sera chrétien. La foi n’est pas héréditaire. Elle suppose cette rencontre personnelle avec Jésus. Ce n’est pas la rencontre d’un maître et d’un subordonné, c’est une rencontre d’amitié. « Je vous appelle mes amis », dira Jésus. Il suffit de penser à Sainte Thérèse. Elle a fait de la religion : un Amour. « Je compris que l’Amour seul fait agir les membres de l’église, dit-elle, que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’évangile, les martyrs refuseraient de verser leur sang ». Ses dernières paroles avant de mourir sont imprégnées de cet Amour. En regardant son crucifix elle dit : « Oh ! Je l’aime ». Et un instant après : « Mon Dieu, je Vous aime ! ». Je me pose souvent la question en célébrant l’Eucharistie devant les chrétiens qui sont là : « Osent-ils dire à Jésus qu’ils L’aiment ? Ont-ils fait de leur vie chrétienne une histoire d’amour avec Jésus ? » Si nous sommes là, c’est bien à cause de Lui et la seule question qu’Il nous pose comme Il la pose, à Pierre avant de le quitter, c’est : « M’aimes-tu plus que tous ceux qui ne me connaissent pas ? ».

Une histoire de souffle

Puis, Jésus parle dans l’évangile d’un Défenseur en évoquant l’Esprit-Saint. Au moment où les chrétiens sont persécutés, St Jean les invite à prier l’Esprit-Saint pour tenir bon dans la foi.

Dans les premiers temps de l’église, on appelait les chrétiens : « les fidèles », c’est-à-dire ceux qui avaient été fidèles à travers les épreuves. Notre fidélité est d’abord confiance en quelqu’un, en Jésus. C’est en Lui que nous mettons notre foi. Mais sans l’Esprit-Saint nous ne pouvons pas tenir. Ce souffle du Père qui animait Jésus durant sa vie terrestre, le Père veut le donner à ceux qui le Lui demandent. Non seulement il est lumineux au sens où Il nous fait comprendre peu à peu ce mystère de la Foi, mais il est dynamique au sens d’une Force intérieure qui nous anime. La vie chrétienne, comme toute vie humaine, est affaire de souffle. C’est l’Esprit de Jésus vivant qui nous aide à croire, à prier, à aimer, à retrouver confiance. N’hésitons pas à le prier et à Lui demander son aide puisque Jésus nous y invite.

Une histoire de fécondité

Le sens de la vie n’est pas seulement une histoire d’efficacité, mais beaucoup plus une histoire de fécondité. L’efficacité ne dure qu’un temps. La fécondité est le fruit de toute une vie. Dans l’évangile, Jésus nous promet aussi de donner du fruit et même un fruit qui demeure. Je me tourne vers mes frères prêtres jubilaires. Quel que soit votre âge, le rayonnement apostolique ne dépend pas de l’âge de nos artères. Il dépend de notre oui au Père, à la suite de Jésus : « Père, que Ta volonté se fasse en moi ». Dieu vous donne toujours la force et les moyens de vivre les « oui » que vous Lui avez dits.

Finalement, le rayonnement apostolique de votre ministère dépend beaucoup plus de votre foi et de votre confiance dans le Seigneur que de vos capacités personnelles. Tout réside dans le don de votre vie. « Gardez toujours confiance » disait la petite Thérèse. « Il est impossible que Dieu n’y réponde pas, car Il mesure ses dons à notre confiance ». Il n’y a pas d’âge pour grandir dans la confiance. Aux plus anciens parmi vous je souhaite que plus ils approchent de la source, plus ils découvrent que l’eau est claire et pure. De la vie, qu’ils ne retiennent qu’une chose : apprendre à aimer. « Là où il n’y a pas d’amour, n’attends pas, dit Saint Jean de la Croix, sème l’Amour ; tu récolteras l’Amour ».

+ Jean-Claude BOULANGER

Evêque de Bayeux – Lisieux

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