Homélie de Mgr Boulanger pour l’ordination presbytérale de Paul Clerval et Cyrille de Frileuze

Ordination sacerdotale de Paul Clerval et Cyrille de Frileuze – 1° Juillet 2018 

« Soyez les pasteurs du troupeau de Dieu qui se trouve chez vous…Veillez sur lui…non pas en commandant en maîtres à ceux qui vous sont confiés, mais en devenant des modèles du troupeau »  (1° Pierre 5,1-4)

Paul et Cyrille, frères et sœurs.

Cette recommandation de Saint Pierre aux responsables des premières communautés chrétiennes s’adresse aussi à nos jeunes ordinands et à l’évêque comme à nos frères prêtres. Paul et Cyrille, vous n’allez pas  monter sur la plus haute marche du podium, comme l’athlète qui vient de remporter une course ou  comme l’équipe de France de foot qui vient de gagner les 8° de finale.  Au contraire, vous allez vous allonger par terre comme si la course était au-delà de vos forces. Pendant ce temps, nous allons prier pour vous et invoquer tous les saints. On perçoit alors que la fécondité de votre ministère ne vient pas de vous. Dans sa lettre à l’abbé Bellière, originaire de Langrune, Thérèse s’exprime ainsi trois mois avant sa mort : « Je remercie Jésus qui vous a regardé d’un regard d’amour, comme autrefois le jeune homme de l’évangile. Plus heureux que lui, vous avez répondu fidèlement à l’appel du Maître, vous avez tout quitté pour le suivre, et cela au plus bel âge de la vie… Ah ! Mon frère, comme moi vous pouvez chanter les miséricordes du Seigneur, elle brillent en vous dans toute leur splendeur » (L.T. 247 – 21 juin 1897)

C’est par amour du Christ sur la croix que l’on devient prêtre diocésain.

A cause de Jésus et de l’évangile : voilà la raison de l’engagement de nos deux ordinands. C’est parce qu’ils ont fait l’expérience de l’amour du Seigneur pour eux, qu’ils répondent à son appel. Le disciple accepte de recevoir avant de vouloir donner. Paul et Cyrille, devenir prêtre, c’est accepter de se recevoir d’un autre, du Christ. D’ailleurs, Jésus le dit à Pierre, à la fin de l’évangile de Jean que vous avez choisi : « Un autre te conduira où tu ne voudrais pas aller ». Ce sera le symbole de l’onction de vos mains.  Vous allez vous avancer les mains vides et au fond, en offrant vos mains, vous apprendrez à recevoir du Seigneur et de vos frères prêtres. C’est en imposant leurs pauvres mains sur votre tête qu’ils témoigneront que Dieu se donne au futur ministre. Vous entrez ainsi dans la fraternité presbytérale diocésaine. On choisit ses amis, on ne choisit pas ses frères. Ceci est encore plus vrai dans un diocèse. Les options pastorales sont diverses. Comme le rappelle le Pape François, vous devenez tisserand de communion. Ce qui est déjà difficile à réaliser dans une famille, l’est cent fois plus dans un diocèse. Nous sommes dans une culture qui valorise l’identitaire et qui rejette volontiers la différence. Or c’est la communion dans la différence qui est source de fécondité spirituelle et d’évangélisation. Ne confondons pas efficacité spirituelle qui dure un temps et fécondité spirituelle qui traverse les âges. L’Eglise s’enracine dans le Dieu Trinitaire qui est communion dans la différence. La croix est le symbole de cette communion dans la différence. Chaque matin c’est en contemplant le Christ sur la croix que vous comprendrez votre mission de prêtre diocésain. Finalement, vous découvrez que Dieu donne toujours sa grâce à celui qu’il appelle. Il attend l’offrande de votre pauvre amour.

L’offrande de nos pauvretés : Un chemin de sainteté.

Dans l’évangile de Jean que vous avez choisi, Jésus demande à Pierre  de l’aimer d’un amour d’agapé, c’est-à-dire de l’amour même de Dieu. Pierre conscient de sa faiblesse lui répond qu’il est prêt à lui offrir son pauvre amour humain à savoir philéo en grec, c’est-à-dire comme un philanthrope, un amour d’amitié. La troisième fois Jésus lui dit : « Offre moi alors ton pauvre amour humain ». Le chemin de sainteté auquel  nous sommes appelés passe par cette offrande de notre pauvreté. Quoiqu’en pensent ceux qui sont ici présents, vous n’êtes pas des héros ni des extra-terrestres. Paul, tu écris dans ta lettre: «  Je sais que je suis un vase d’argile, fragile, mais aussi que le Seigneur veut faire de cette fragilité un lieu de grâce et de salut pour les âmes. Tu cites le Pape François qui dit que le prêtre avec des blessures ne se met pas au centre, ne se croit pas parfait, mais place au centre le seul qui peut guérir les blessures et qui a pour nom : Jésus Christ. Cyrille, sans vous êtes concertés tu écris à ton tour : « J’ai fait l’expérience depuis le diaconat que je restai un vase d’argile. Dieu me demande simplement d’en avoir conscience et de veiller auprès de lui pour entrer, jour après jour, dans un vécu plus profond du chemin évangélique qu’il m’appelle à vivre. C’est pourquoi j’écoute ce que Saint Paul entendait du Seigneur : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » (2° Cor.12, 9). Pourquoi tant de jeunes hésitent-ils à répondre à l’appel de Dieu alors qu’ils entendent cet appel ? Dieu continue toujours d’appeler comme autrefois. Ces jeunes pensent souvent que cela est au dessus de leurs forces humaines et qu’ils ne sont pas des héros. Or, c’est d’abord Dieu qui se donne à nous sans retour.

Etre courageux ou être héroïque ?

Il y a une authentique joie à servir le Seigneur dans vos frères. La vie bien sûr demande plus de courage que d’héroïsme. Or, il est plus difficile d’être courageux chaque jour qu’une seule fois héroïque. Mais la source de votre fidélité s’enracine dans l’amitié du Seigneur. La prière et l’Eucharistie quotidienne sont au cœur de votre vie et c’est ce cœur à cœur avec le Seigneur qui vous aidera à tenir. Vous n’êtes pas fidèles à une parole donnée ce 1° Juillet 2018 mais vous êtes fidèles à quelqu’un qui veut vous faire partager son amitié à savoir Jésus et qui vous appelle  mes amis. Et c’est ainsi que le Curé d’Ars pouvait dire que le sacerdoce c’est l’amour du cœur de Jésus.

Vous savez, la vie d’un prêtre diocésain est souvent faite de consentements beaucoup plus que de vrais choix. Dieu lui même se sert des vents contraires pour conduire la barque de l’Eglise au port. N’ayez pas peur des vents contraires. Ils servent parfois le projet de Dieu. Il faut parfois savoir mourir aussi à vos rêves les plus spirituels pour naître aux projets de Dieu. Vous connaitrez aussi l’usure et le découragement des éternels recommencements. Rappelez-vous : Nul n’est jamais trop loin pour Dieu. Ne vous lassez pas de revenir vers Lui comme le chien fidèle qui retourne toujours aux pieds de son maître et l’attendrit de son regard pour se faire pardonner ses escapades. Le Seigneur sait bien de quoi vous êtes faits. Il ne s’étonne pas. Lui seul est fidèle. Mais il voit votre obstination à revenir comme une marque d’amour. Vous n’avez que les fidélités de vos recommencements. Lui, Jésus, il est fidèle depuis le commencement. Et c’est là la source de votre engagement. Celui qui met sa confiance dans le Seigneur reçoit au centuple dès cette terre.

Prêtres diocésains : témoins de la charité du Christ.

Dieu nous amis sur cette terre pour apprendre à aimer et ne passera dans le monde de Dieu que l’amour que nous avons mis sur cette terre. On devient prêtre pour apprendre à aimer surtout ceux qui ne sont pas aimés. Paul tu écris : « Depuis mon ordination diaconale, j’ai été marqué par de nombreuses rencontres. Le Seigneur m’a  conduit vers des personnes qui m’ont souvent partagé de grandes détresses, de grandes blessures, qu’elles soient physiques dans la maladie ou la vieillesse, affective dans la perte des proches, mais surtout existentielles. Des personnes loin de la foi, qui vivent sans cette lumière pour les éclairer, qui vivent sans repère dans leur travail, ou dans leurs situations familiales souvent difficiles ou disloquées. ». Cyrille tu écris à ton tour : « Suite à mon ordination diaconale, j’ai eu la joie d’exercer un véritable service de charité au sein de la paroisse, en particulier le service des plus pauvres, des déshérités de notre monde, au centre d’entraide Saint Vincent de Paul. Ce service m’a profondément enthousiasmé. »

Acceptez d’être des petits. Pas seulement frères des petits mais petits frères à la suite de Jésus. Seul celui qui est petit peut devenir frère. Dieu s’est fait petit afin que les plus pauvres n’aient plus peur de l’approcher et même de le prendre dans leurs mains à Bethléem. La petitesse c’est le chemin que Dieu a choisi pour rejoindre l’humanité. Thérèse et Charles de Foucauld dans ce début du XX° siècle qui allait glorifier la force et la puissance avaient compris cela. Ce fut le siècle le plus tragique de l’histoire. Nos contemporains n’ont pas trouvé pour autant le bonheur dans les gondoles de leurs supermarchés. Par toute votre vie, frères et sœurs, soyez témoins que l’homme est fait pour plus grand que lui- même. Notre cœur a soif de plus d’amour que cette terre ne peut lui apporter. Il est fait pour vivre du bonheur de Dieu.  Paul et Cyrille, soyez des prêtres heureux du bonheur de Dieu. Nos visages sont comme les fenêtres de notre âme. Que la joie de Dieu rayonne sur vos visages ! Amen.

+ Jean Claude Boulanger
Évêque de Bayeux – Lisieux

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