Lettre confinement N°6

Hérouville St Clair, le 18 avril 2020
Chers frères et sœurs, chers amis,

Je suis heureux de vous saluer à la manière de Paul qui écrivait ses lettres aux communautés dont il était séparé :

« À vous, Grâce et Paix de la part de notre Seigneur, Jésus-Christ ! »

Qui aurait pensé que nous resterions confinés chez nous 2 mois ? Cette situation inédite nous marque si profondément, que nous nous en souviendrons sans doute longtemps.

Après les premières semaines, où nous avons inventé une nouvelle manière d’être, une nouvelle manière de vivre, nous sommes passés à l’étape d’acceptation qui nous a permis de « tenir bon ».

Voilà que nous sommes entrés dans une nouvelle étape, celle qu’on appelle

« le temps long et lent ». Nous sommes à la moitié du parcours. La date du 11 mai annoncée par le Président de la République, c’est-à-dire celle du commencement du déconfinement, fixe un horizon qui nous permet de nous projeter dans l’avenir. Mais nous avons, plus que jamais, besoin de nous soutenir les uns les autres. Ceux qui sont connectés ont la chance de pouvoir communiquer de mille et une manière mais ceux qui ne le sont pas ressentent, sans doute, plus difficilement l’absence et le silence. D’autres le vivent bien et ont trouvé leur « rythme de croisière ». Mais d’autres encore se sentent seuls et sont tristes, angoissées et n’ont qu’une hâte : pouvoir enfin sortir et revoir du monde. Nous sommes faits pour le lien.

Le Pape François a dit lors de la bénédiction Urbi et Orbi, le 27 mars 2020 :

« tous fragiles et désorientés, mais en même temps tous importants et nécessaires, tous appelés à ramer ensemble, tous ayant besoin de nous réconforter mutuellement ». Cette crise terrible qui touche notre humanité dans son ensemble est une étape de notre histoire commune dont nous ressortirons. Comment ? Personne ne le sait vraiment … mais différents ! Cela est sûr ! Quelles leçons en tirerons-nous ? Quelle décisions politiques, sociétales ou personnelles prendrons-nous ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais ce que nous pouvons faire, d’ores et déjà, chacune et chacun c’est de nous poser les questions suivantes :

« Qu’est-ce cette crise m’a appris ? Qu’est-ce que j’ai découvert d’important pour ma vie, pour la vie en société que je veux garder comme un trésor et que je m’efforcerai de vivre une fois la crise traversée ? Quelle attitude ai-je mis en place et qui m’a fait regarder la vie autrement ? Comment puis-je le vivre « après » ? Ce petit travail peut être l’occasion de se poser pour envisager l’avenir dans l’espérance… En langage photo on appelle ça « un arrêt sur image », en langage technologique « mettre sur pause » et en langage chrétien une « relecture ».

Je reviens encore sur les « outils » à notre disposition pour nous aider à vivre, à durer et à tenir bon :

La télé avec KTO, Le Jour du Seigneur, les nombreuses émissions   de

« décryptage » comme les éditions spéciales.

La Radio RCF, les nombreux sites Internet et les applications pour les smartphones qui nous aident à communiquer, à travailler, sans oublier les livres, les revues et les journaux.

L’application WhatsApp paroissiale est toujours active. Une cinquantaine de personnes l’ont rejointe et vous pouvez toujours le faire. Il suffit pour cela de télécharger l’application sur votre téléphone et de m’indiquer ensuite votre numéro de téléphone mobile : je vous inscrirai sur Ste Marie Portes 2 la Mer » !

Le téléphone, bien sûr pour briser l’isolement, la tristesse, l’inquiétude et la morosité. Même si certains comment à saturer et à se fatiguer d’avoir à tenir parfois de longues conversations.

La prière orale ou silencieuse est aussi un formidable lien de communion …

Ces « outils » et bien d’autres nous permettent de lutter ensemble, de nous

« serrer les coudes » à défaut de nous serrer les mains ! Ils nous permettent de remporter des petites victoires chaque jour, là où nous sommes, qui nous feront gagner cette « guerre » tous ensemble ! Car nous le savons bien nous ne nous sauverons pas individuellement ! C’est ensemble que nous remporterons la victoire.

Le jeûne de célébrations eucharistiques est pour beaucoup, bien difficile à vivre. Il nous fait comprendre combien nous sommes faits pour la communion aussi bien fraternelle qu’eucharistique.

Il y a de nombreuses messes virtuelles qui ont « fleuri ». Nous n’avons pas fait ce choix notre paroisse, préférant vous orienter vers les propositions de la télévision ou d’Internet. Cela vous a peut-être aussi donné l’occasion de vivre des petites

« liturgies domestiques » autour de la Parole de Dieu. N’hésitez pas à en vivre en famille le dimanche à 10h30, au moment même où Michel et moi nous célébrons la messe tous les deux à la chapelle de St François en priant pour vous.

Benoît ROUSSIER rédige quotidiennement une lettre (quotidienne) intitulée

« actualité de la Parole ». Il peut vous envoyer si vous ne la recevez pas : benoit.roussier@free.fr

La revue MAGNIFICAT propose gratuitement sa revue pour aider à vivre des temps de prière le matin, le soir et avant le coucher ainsi que les textes de la messe de chaque jour. https://francais.magnificat.net/prier

La revue VERS DIMANCHE des Jésuites propose de préparer l’évangile du dimanche suivant en présentant des pistes de prière pour chaque jour de la semaine qui le précède. Vous pouvez consulter la méditation de l’évangile du 26 avril soit avec le lien : https://versdimanche.com/ftp/pdf_nl/minivd596.pdf soit en pièce jointe.

Et bien d’autres propositions existent …

Les membres de l’association dite « Les amis du Petit Lourdes » vous proposent de recueillir vos intentions de prière et de déposer un cierge à la grotte.

Contact : hscpetitlourdes@gmail.com

Michel LEMASSON propose à ceux qui le souhaitent de lui envoyer une photo que vous prendrez lors d’une de vos sorties autour de chez vous : des arbres, des fleurs, des paysages, etc. … pour vous inviter à cultiver l’admiration de la beauté de la Création. Vous pouvez ensuite la lui envoyer afin qu’il en fasse un montage. Nous pourrons, soit le recevoir par mail, soit le projeter lors de la première messe après le confinement. A vos appareils !

Contact : michel_lemasson@hotmail.com ou 06 84 03 36 74.

Du côté santé persévérez dans la prière pour Émilien HUREL dont voici quelques nouvelles que m’a données sa maman. Emilien va plutôt bien physiquement, il n’a pas d’effets secondaires de type douleurs ou nausées, mais une chute des cheveux qui le panique … Il va plutôt bien moralement même s’il a des coups de blues et des envies de courir dans le jardin parfois … Sur le plan médical, ses parents attendent la remontée des globules blancs pour permettre une petite sortie. Ils espèrent cette remontée dans la semaine. … Un myélogramme doit avoir lieu dans la quinzaine pour connaître les effets du traitement et si les cures suivantes peuvent avoir lieu. Anne, sa maman terminait son message en disant : Il faut être rempli d’espérance. Restons donc mobilisés dans la prière pour Emilien, ses parents, ses sœurs, toute sa famille et bien sûr le personnel médical qui le soigne.

Jean-Marie BINET est arrivé à KORIAN-IFS et il vient de faire un petit séjour au CHU pour des soins. Soutenons-le ainsi que Madeleine et sa famille.

Continuons aussi de prier pour André PERRET qui est au CHU car sa santé se détériore en ce moment.

Restons toujours mobilisés pour les personnes seules, angoissées, celles et ceux en particulier qui s’inquiètent pour la sortie de confinement.

Enfin je voudrais terminer cette lettre par ce texte qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux mais que tous n’ont peut-être pas lu.

Et tout s’est arrêté…

Ce monde lancé comme un bolide dans sa course folle, ce monde dont nous savions tous qu’il courait à sa perte mais dont personne ne trouvait le bouton « arrêt d’urgence », cette gigantesque machine a soudainement été stoppée net. A cause d’une toute petite bête, un tout petit parasite invisible à l’œil nu, un petit virus de rien du tout… Quelle ironie ! Et nous voilà contraints à ne plus bouger et à ne plus rien faire. Mais que va-t-il se passer après ? Lorsque le monde va reprendre sa marche ; après, lorsque la vilaine petite bête aura été vaincue ? A quoi ressemblera notre vie après ?

Après ?

Nous souvenant de ce que nous aurons vécu dans ce long confinement, nous déciderons d’un jour dans la semaine où nous cesserons de travailler car nous aurons redécouvert comme il est bon de s’arrêter ; un long jour pour goûter le temps qui passe et les autres   qui   nous entourent.   Et   nous   appellerons cela le dimanche. Après ?

Ceux qui habiteront sous le même toit, passeront au moins 3 soirées par semaine ensemble, à jouer, à parler, à prendre soin les uns des autres et aussi à téléphoner à papy qui vit seul de l’autre côté de la ville ou aux cousins qui sont loin. Et nous appellerons cela la famille.

Après ?

Nous écrirons dans la Constitution qu’on ne peut pas tout acheter, qu’il faut faire la différence entre besoin et caprice, entre désir et convoitise ; qu’un arbre a besoin de temps pour pousser et que le temps qui prend son temps est une bonne chose. Que l’homme n’a jamais été et ne sera jamais tout-puissant et que cette limite, cette fragilité inscrite au fond de son être est une bénédiction puisqu’elle est la condition de possibilité de tout amour. Et nous appellerons cela la sagesse.

Après ?

Nous applaudirons chaque jour, pas seulement le personnel médical à 20h mais aussi les éboueurs à 6h, les postiers à 7h, les boulangers à 8h, les chauffeurs de bus à 9h, les élus à 10h et ainsi de suite. Oui, j’ai bien écrit les élus, car dans cette longue traversée du désert, nous aurons redécouvert le sens du service de l’Etat, du dévouement et du Bien Commun. Nous applaudirons toutes celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont au service de leur prochain. Et nous appellerons cela la gratitude.

Après ?

Nous déciderons de ne plus nous énerver dans la file d’attente devant les magasins et de profiter de ce temps pour parler aux personnes qui comme nous, attendent leur tour. Parce que nous aurons redécouvert que le temps ne nous appartient pas ; que Celui qui nous l’a donné ne nous a rien fait payer et que décidément, non, le temps ce n’est pas de l’argent ! Le temps c’est un don à recevoir et chaque minute un cadeau à goûter. Et nous appellerons cela la patience.

Après ?

Nous pourrons décider de transformer tous les groupes WhatsApp créés entre voisins pendant cette longue épreuve, en groupes réels, de dîners partagés, de nouvelles échangées, d’entraide pour aller faire les courses où amener les enfants à l’école. Et nous appellerons cela la fraternité.

Après ?

Nous rirons en pensant à avant, lorsque nous étions tombés dans l’esclavage d’une machine financière que nous avions nous-mêmes créée, cette poigne despotique broyant des vies humaines et saccageant la planète. Après, nous remettrons l’homme au centre de tout parce qu’aucune vie ne mérite d’être sacrifiée au nom d’un système, quel qu’il soit. Et nous appellerons cela la justice.

Après ?

Nous nous souviendrons que ce virus s’est transmis entre nous sans faire de distinction de couleur de peau, de culture, de niveau de revenu ou de religion. Simplement parce que nous appartenons tous à l’espèce humaine. Simplement parce que nous sommes humains. Et de cela nous aurons appris que si nous pouvons nous transmettre le pire, nous pouvons aussi nous transmettre le meilleur. Simplement parce que nous sommes humains. Et nous appellerons cela l’humanité.

Après ?

Dans nos maisons, dans nos familles, il y aura de nombreuses chaises vides et nous pleurerons celles et ceux qui ne verront jamais cet après. Mais ce que nous aurons vécu aura été si douloureux et si intense à la fois que nous aurons découvert ce lien entre nous, cette communion plus forte que la distance géographique. Et nous saurons que ce lien qui se joue de l’espace, se joue aussi du temps ; que ce lien passe la mort. Et ce lien entre nous qui unit ce côté-ci et l’autre de la rue, ce côté-ci et l’autre de la mort, ce côté-ci et l’autre de la vie, nous l’appellerons Dieu.

Après ?

Après ce sera différent d’avant mais pour vivre cet après, il nous faut traverser le présent. Il nous faut consentir à cette autre mort qui se joue en nous, cette mort bien plus éprouvante que la mort physique. Car il n’y a pas de résurrection sans passion, pas de vie sans passer par la mort, pas de vraie paix sans avoir vaincu sa propre haine, ni de joie sans avoir traversé la tristesse. Et pour dire cela, pour dire cette lente transformation de nous qui s’accomplit au cœur de l’épreuve, cette longue gestation de nous-mêmes, pour dire cela, il n’existe pas de mot.

Écrit par Pierre Alain LEJEUNE, prêtre à Bordeaux

Prenez soin de vous, prenez soin des autres et prenez soin de Dieu en vous ! Fraternellement.           Laurent LAIR

Télécharger la lettre N°6

Télécharger la présentation : VERS DIMANCHE 26 AVRIL 2020