Pentecôte 2020

Chers frères et sœurs en Christ,

L’épidémie de Coronavirus et le mois de mai nous ont fait découvrir un mot nouveau: « déconfinement ». Pour beaucoup, c’est essentiellement un mot synonyme de « Liberté retrouvée ». Liberté de se déplacer, liberté de se retrouver, le déconfinement nous affranchit des règles restrictives fixées d’autorité par le pouvoir en place. Nous devons passer d’un régime d’obéissance avec des interdits, à un régime de prudence avec un « déconfinement progressif ». Mais cette période que nous vivons, pour qu’elle donne des résultats, doit être bien comprise.

D’une part, si l’autorité en place a mis fin au confinement, c’est par nécessité économique et sociale. Elle n’avait pas le pouvoir de prolonger plus longtemps ce régime de restriction de l’activité humaine. D’autre part, le déconfinement suppose que la population ait compris l’enjeu des restrictions de liberté qu’elle vient de vivre, c’est-à-dire qu’elle ait l’intelligence de la situation.

Or, nous constatons déjà deux erreurs dans la façon de vivre ce « déconfinement progressif » : la première, c’est d’imaginer que l’autorité politique ait le pouvoir indéfini de limiter les rassemblements, les déplacements et les échanges entre personnes. En réalité, elle ne peut que susciter une adhésion à une stratégie de lutte contre l’épidémie. L’autre erreur consiste à ne comprendre la situation que comme un système de « Permis – Défendu » dans lequel nous aurions le droit ou non de circuler et de rencontrer l’autre, dans une obéissance servile et irresponsable qui ne tiendrait qu’à la « peur du gendarme ». En réalité, chacun, par son comportement, doit d’abord se considérer comme responsable devant ses concitoyens, et non « reprendre ses droits » prétendument confisqués.

L’intelligence de la situation, c’est exactement ce que suscite l’Esprit-Saint chez les apôtres le jour de la Pentecôte. « Alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des juifs » (Jn 20,19) les disciples semblent d’un seul coup revendiquer leur apostolat, s’exposant au grand public pour annoncer en toute langue le Salut en Jésus-Christ. En réalité, l’Esprit vient de clarifier leur regard sur la réalité de la situation. Ils réalisent d’abord que le pouvoir de la caste sacerdotale du temple qui les menace de mort est asservie au pouvoir romain, qui est la véritable autorité politique en leur temps. Ils réalisent que l’empereur et ses subordonnés n’ont de pouvoir que parce qu’il l’ont « reçu d’en haut » (Jn 19,11). Ils réalisent qu’il est de leur responsabilité non de récupérer des droits bridés par le pouvoir en place, mais d’annoncer le Salut à toutes les nations, selon un plan de déconfinement progressif établi par Jésus lui-même: sortant du Cénacle, ils devront être ses témoins « à Jérusalem, dans toute la judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre ». Ce n’est qu’en fonction de cette responsabilité missionnaire reçue du Christ Sauveur qu’ils se donneront le droit de se réunir et de parler en public.

En cette Pentecôte 2020, l’Esprit Saint nous rappelle que notre droit n’est pas d’abord d’obtenir à tout prix et sans conditions la reprise des messes dominicales et autres offices, mais d’assumer nos responsabilités de porteurs de la présence du Christ, seul moyen de Salut pour le monde présent. Nous ne revendiquons pas un « droit à l’eucharistie ». Mais nous devons d’abord la voir et la défendre comme une ressource indispensable à l’annonce de la bonne nouvelle qu’est Jésus présent dans notre monde. Là où est notre responsabilité devant Dieu, là est le droit qu’il nous accorde ici-bas.

Père François Lecrux