Dieu se fait connaître dans la joie : Invitation pressante à l’étude de la théologie

Le Père Maurice Morand enseigne la théologie depuis de nombreuses années au CET de Caen ; il nous livre dans l’article ci-joint son témoignage sur la joie que lui procure la recherche théologique. Outre la joie de comprendre ce que l’on croit, la théologie nous aide à parler de Dieu de la façon la plus juste possible.

Nous ne pouvons qu’inciter les explorateurs de ce site à la lecture! La joie de la théologie-Maurice Morand :

DIEU SE FAIT CONNAITRE DANS LA JOIE :

Pour une invitation pressante à l’étude de la théologie[1]

                        Dans la perspective de sa mort toute proche, Jésus a voulu croire jusqu’au bout à l’avenir de la joie : « Votre tristesse se changera en joie » (cf. Jn 16,22) osait-il annoncer contre toute espérance. La joie est parfois en retard sur nos attentes, mais lorsqu’elle se présente à nous, elle s’offre alors comme une bonne surprise et c’est après les tentations du découragement, goûter un enchantement imprévu. Si l’étude de la théologie passe pour une affaire compliquée, aride, parsemée de remises en question désagréables, voire de déceptions et d’échecs, elle débouche elle aussi, modestement, sur de telles expériences d’enchantement. L’étude de la théologie… ! Le mot « théologie » lui-même n’est-il pas justement un mot pour spécialistes, un mot rébarbatif, un mot qui fait plutôt penser à tout autre chose qu’à la joie ?

 

L’étude de la théologie est promesse de joie, non pas pour ceux qui s’en désintéressent, mais pour ceux qui courent l’aventure. Il y a de la joie à comprendre ce que l’on croit, tandis que se résigner à ne pas comprendre met la foi en danger et ne donne pas un bon témoignage. L’actualité nous le rappelle tous les jours. Nous devons veiller à ne pas parler de Dieu d’une manière détestable. Dire par exemple : « Dieu est grand » en quelque langue que ce soit, aussitôt après avoir assassiné des êtres humains qu’Il a voulu faire vivre, c’est l’insulter. C’est supposer que Dieu commande de faire mourir les enfants à qui il a d’abord donné la vie et que c’est là sa plus sublime grandeur… Comme si Dieu pouvait changer aussi brutalement d’avis et se contredire aussi formellement.

Ce qui manifeste que Dieu est Dieu, tout au contraire, c’est qu’il est Créateur, qu’il dispense la vie en surabondance ; ainsi, il veut la vie et la liberté de l’homme pour que celui-ci puisse choisir d’aimer. Dieu doit être dit « grand », infiniment grand en ce qu’il veut l’homme « vivant », selon une expression connue de l’évêque saint Irénée de Lyon. C’est là « sa gloire ». Le penser et le dire à notre tour, c’est faire comme Irénée, de la théologie, parce qu’alors nous cherchons à nous prononcer sur ce que nous estimons vrai et juste à propos du Seigneur de toute vie.

Si nous sommes croyants, nous devons être extrêmement attentifs à notre manière de parler de Dieu ; toujours humaine, toujours imparfaite, malheureusement toujours prise en défaut. La théologie nous donnera, par l’étude de la Bible, par la confrontation avec la pensée la plus unanime de l’Eglise et de ses théologiens, la capacité de parler de Dieu de la façon la plus juste possible. C’est bien nécessaire dans notre environnement culturel où l’on prononce si peu son nom. Sans hésiter, nous reconnaîtrons que confesser : « Dieu est miséricordieux » va nous éveiller à la joie, tandis que dire : « Dieu va se mettre en colère pour se venger des hommes » instillera le ressentiment, la répulsion et la mauvaise conscience. On le voit, la joie naît de la fréquentation de la vérité. La vérité nous rend libres[2] certes, et en même temps elle réjouit. La joie est donc en quelque sorte « appelée » par la théologie, dans la mesure justement où celle-ci tend à nous rapprocher de la vérité divine.

            Il y a de la joie à comprendre ce que l’on croit, parce que ce que l’on croit, c’est d’abord ce qu’accepte d’un commun accord l’Eglise qui est la nôtre. Ce que l’on appelle traditionnellement le « dogme » est avant tout l’expression de ce que l’Eglise dans son ensemble reconnaît comme la foi commune des croyants. Ce n’est pas d’abord le reflet de décisions autoritaires, discriminantes et répressives comme on le pense généralement. Avouons-le, la tentation de l’abus autoritaire du dogme a malheureusement trop sévi dans l’Eglise. Pour la théologie, le dogme contribue à la recherche d’un langage commun sur Dieu et il joue un rôle, parce que l’Eglise a besoin de se reconnaître unie dans la foi, de travailler à cette unité, de dire cette unité, et de faire l’effort de témoigner de cette unité.

Voilà pourquoi, en Eglise nous faisons l’expérience qu’une décision très personnelle qui nous tourner vers Dieu, nous met en communion avec des « nuées de témoins » (Hb 12,1). Nous avons de nombreux témoins qui nous entourent, témoins répandus par centaines de millions sur toute la terre, témoins vivants, mais aussi tant de témoins des siècles passés. Ces témoins, qui ont plus ou moins développé en eux le sens théologique de Dieu, l’Esprit du Christ les a mis en communion : la sainteté est communion[3]. L’étude de la théologie, nous fait aller vers tous ces croyants chacun pour sa part dépositaire d’un sens de Dieu qui doit nous instruire ; elle nous met en communion avec eux, et l’assurance de cette communion suscite la joie. La foi, c’est avoir de grandes convictions personnelles qui sont en même temps, merveilleusement, les convictions d’une foule de gens.

Notre foi nous vient de très loin. Elle est venue des apôtres et de leur prédication ; il y a près de deux mille ans, les apôtres partageaient entre eux une foi commune, qu’ils ont exprimée dans le « kérygme ». Le « kérygme » – n’ayons pas peur de ce nom un peu savant[4] – est un événement historique absolument original et unique dans l’histoire de l’humanité. Le kérygme, c’est le fait que les proches de Jésus ont tous pris la parole après sa mort alors qu’ils auraient tous dû se taire. Ils se sont mis à dire à son propos des affirmations tout à fait inouïes qu’on n’avait jamais dites de personne et que lui-même pour plusieurs d’entre elles, n’avait pas dites : Jésus n’est pas seulement mort sur la croix, de la mort « absolue », radicale, de la plus irrémédiable des morts ; il est « apparu » ensuite, il est « ressuscité »[5]. Les apôtres ont pris la parole pour réhabiliter Jésus du tout au tout ; il n’était pas un faux prophète mais le Christ, non pas de la graine d’esclave et de voyou, mais le Seigneur, non pas maudit par Dieu mais le Fils de Dieu, le préféré de Dieu, et Dieu même, non pas un abominable pécheur, un blasphémateur rejeté par Dieu mais le Sauveur de tous les pécheurs. Et tout cela était annoncé, disaient-ils, depuis longtemps par les Ecritures juives.

Eh bien ! quelle est la vérité, quelle est au moins la vraisemblance d’une prise de parole aussi insolite et aussi forte ? Comment ce qu’elle suppose arrivé comme venant de la part de Dieu peut-il être tenu pour juste ? C’est le travail de la théologie que de montrer à quel point la parole des apôtres était et reste crédible. Pas de mensonge, pas de supercherie autour d’un tombeau vide ou que l’on aurait vidé, pas de délires de déséquilibrés, ils n’étaient pas les inventeurs d’un nouveau mythe, même d’un « beau mythe »[6]. La joie de la théologie, c’est l’assurance que la joie de la foi ne relève pas d’une illusion personnelle ou collective mais d’un don qui nous est fait de la part de Dieu. En quoi Dieu se présente à nous comme le Père, le Père de Jésus et notre Père, pour notre joie.

 

Il est donc clair que dans ces conditions, l’étude de la théologie nous destine à faire l’expérience de la joie. Nous éprouverons de la joie à pouvoir vérifier avec toutes les ressources de notre réflexion et de notre intelligence, la solidité des enseignements reçus[7] et transmis depuis les origines, depuis que Jésus-Christ s’est risqué à annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu.

Nous connaîtrons la joie à explorer l’immense patrimoine de la culture et de la théologie chrétienne forgé par les Pères de l’Eglise, par les théologiens orthodoxes, catholiques, réformés, par tant de théologiens contemporains. Et nous irons alors de découvertes en interrogations et d’interrogations en découvertes sans jamais nous arrêter, nous laissant emporter par un fleuve de vie et de pensée incessant. La foi en Dieu stimulée par la théologie s’expérimentera comme une vie de l’esprit qui n’est pas un leurre, ou un gadget, mais une aventure ancrée dans la réalité de l’histoire passée et du présent du monde.

Nous saurons ce qu’est la joie intérieure de pouvoir nous libérer des déformations, des caricatures, des erreurs, des sectarismes accumulés au cours des siècles souvent par insuffisance théologique.  Déformations dommageables qui peuvent encore subsister aujourd’hui.

Nous ne craindrons pas d’être des esprits libres et ouverts, raisonnablement critiques, tolérants et enfin accueillants à notre temps et à notre monde, comme nous y a invités le Concile Vatican II. Nous reconnaîtrons que le rigorisme, le piétisme et le fondamentalisme attristent tandis que le dialogue adossé à la théologie multiplie la joie.

Nous constaterons avec joie qu’il est possible de communiquer, de partager ce que nous croyons parce que nous saurons le dire et le penser à l’aide des mots et du langage les plus accessibles à tous, incroyants comme croyants. La théologie nous aidera à nous ouvrir à la rencontre et au respect de ceux pour qui Dieu est autre que ce que nous pensons comme de ceux pour qui Dieu est un mot qui ne renvoie à aucune réalité.

 

Voilà donc pour une part ce que l’on est en droit d’attendre de la recherche théologique. L’étude de la théologie se changera en joie lorsqu’elle nous permettra de vérifier comment nous sommes ou pouvons être en communion avec les croyants de toutes confessions, comment nous pouvons entrer en dialogue avec les croyants des autres religions ainsi qu’avec notre monde sécularisé, indifférent ou incroyant. Et cette joie, assurée d’avoir toujours à découvrir le Dieu qu’elle cherche, sera déjà comblée même avant que de l’avoir vraiment trouvé, du seul fait de pouvoir chercher humblement qui est Dieu. Etudier la théologie veut dire : trouver Dieu est joie, chercher Dieu, de même, est joie. Et c’est mettre toute son intelligence à connaître et à faire connaître la joie de l’Evangile.

 

  1. Maurice MORAND

 

 

[1] Je remercie Pascaline LANO de m’avoir demandé cette réflexion à laquelle je n’aurais pas moi-même pensé.

[2] Cf. Jn 8,32

[3] Cf. Symbole des Apôtres

[4] Sur la réalité et le sens de la prédication originelle des apôtres de Jésus, je renvoie aux soirées données à Caen et aux journées de formation données à Cherbourg et à Granville par Philippe LEONARD et moi-même.  Voir le Livret du CET 2017-2018

[5] Cf. 1 Co 15,1-3 ; Rm 1, 2-3 ; Rm 10, 8-10 etc.

[6] Cette expression est du philosophe Platon qui se servait de récits mythiques comme de symboles pour illustrer des enseignements philosophiques.

[7] Cf. Lc 1, 4

Pour compléter votre réflexion sur la joie de faire de la théologie, nous vous proposons de relire cet extrait de la Parole de Dieu, proposé dans la liturgie de la messe du 11 juillet :

« Aie l’oreille attentive à la sagesse » (Pr 2, 1-9)

Lecture du livre des Proverbes

Mon fils, accueille mes paroles,
conserve précieusement mes préceptes,
l’oreille attentive à la sagesse,
le cœur incliné vers la raison.
Oui, si tu fais appel à l’intelligence,
si tu invoques la raison,
si tu la recherches comme l’argent,
si tu creuses comme un chercheur de trésor,
alors tu comprendras la crainte du Seigneur,
tu découvriras la connaissance de Dieu.
Car c’est le Seigneur qui donne la sagesse ;
connaissance et raison sortent de sa bouche.
Il réserve aux hommes droits la réussite :
pour qui marche dans l’intégrité, il est un bouclier,
gardien des sentiers du droit,
veillant sur le chemin de ses fidèles.
Alors tu comprendras la justice, le jugement, la droiture,
seuls sentiers qui mènent au bonheur.

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