Aux origines de la bibliothèque du CET, par le P Jean-Louis Angué

Ce mardi 26 février a eu lieu au CET une conférence du P Jean-Louis Angué pour raconter l’histoire de l’installation de la bibliothèque sur le site de Caen et son histoire.

Voici le texte de cette conférence : en pdf ici Origines Bibliothèque

Ou ci-dessous :

L’arrivée à Caen
Telle qu’elle se présente actuellement, la bibliothèque du Grand Séminaire de Caen, devenue
Bibliothèque du Centre d’Études Théologiques, résulte d’un déménagement et d’un
regroupement effectués durant l’été 1970, suite à la décision des trois évêques de BasseNormandie de rassembler au chef-lieu du Calvados leurs trois Grands Séminaires de Bayeux,
Coutances et Sées.
Après avoir été désignés pour former le noyau de l’«équipe des Pères» (professeurs et
accompagnateurs spirituels), les Pères Bernard Lagoutte, supérieur, et Jean-Louis Angué, son
adjoint, se mirent à la recherche d’un lieu pour accueillir la nouvelle entité. La piste d’un
ancien bâtiment de formation, proche du collège Saint-Joseph (rue des Rosiers), ayant été vite
abandonnée, il ne restait plus qu’à poser une «emprise» sur une partie de l’ancien Petit
Séminaire de la rue Général Moulin, qui abritait déjà le collège et l’école Saint-Paul. On peut
aisément imaginer les difficultés rencontrées pour s’implanter dans une structure déjà
existante qu’il fallut progressivement repousser pour que le Séminaire trouve sa place : à cet
égard, il serait sans doute instructif de s’intéresser aux occupations successives d’un certain
nombre d’équipements essentiels, comme la chapelle par exemple qui a connu au moins trois
emplacements…
En ce qui concernait la bibliothèque, il n’y avait alors guère d’autre solution que d’utiliser un
ensemble assez hétéroclite de bâtiments comprenant : l’ancien pressoir à cidre (actuellement
occupé par l’Hospitalité diocésaine) ; un grenier au-dessus de ce pressoir ; une grande pièce à
l’étage, très haute de plafond et ayant servi de séchoir ; un autre petit grenier au-dessus des
anciennes douches (occupées aujourd’hui par la Mutuelle Saint-Christophe) ; et, pour
terminer, une sorte de couloir qui allait servir de salle de lecture ! C’est là qu’avec le concours
de quelques séminaristes, ainsi que des neveux et nièces du P. Lagoutte, furent installés
quelques meubles métalliques spécialement achetés, et surtout furent montrés des
échafaudages disparates munis d’étagères en bois récupérées dans l’ancienne bibliothèque des
professeurs et des élèves du Grand Séminaire de Bayeux ou fabriquées sur place.
Pendant les mois d’août et septembre 1970, la camionnette du Séminaire fit de nombreux
voyages pour transporter les livres de Bayeux à Caen, dans des cartons mal commodes et
lourds, sans indication de contenu. Entreposés pêle-mêle dans un local proche (la salle
Grandval), tous ces paquets furent transportés un à un par le bibliothécaire au cours du
premier trimestre de l’année scolaire 1970-71, vidés de leur contenu, dépoussiérés, répertoriés
minutieusement et finalement répartis sur les divers rayonnages selon un classement
préétabli :
– les usuels, l’Écriture sainte et la petite centaine de revues, dans l’ancien pressoir,
– la théologie, la morale, la patristique et la pastorale, dans le grenier au-dessus,
– la philosophie et la spiritualité, dans le grenier opposé,
– le droit, l’histoire, la liturgie, le fonds normand et les divers, dans l’ancien séchoir.
C’est seulement en octobre 1971 que la bibliothèque fut ouverte aux séminaristes, aux
personnes inscrites au CETh, tout juste inauguré, ainsi qu’aux prêtres et religieux ou
religieuses des trois diocèses. La répartition par salles était due au fait qu’en l’absence de
fichier bien établi, il était nécessaire que les emprunteurs puissent avoir accès aux livres (ce
qui horrifiait la première personne embauchée pour enregistrer et cataloguer tous les livres qui
recevaient une cote selon leur matière). La bibliothèque était ouverte du lundi au vendredi, de
11h30 à 11h45 (après les cours) et de 14h à 16h30, avec une permanence assurée par des
séminaristes.

La plus grande partie des livres (et la plus importante en termes de valeur) provenait de la
bibliothèque des professeurs de Bayeux (environ 30.000 livres) ; s’y ajoutaient les
bibliothèques des élèves des trois Séminaires (Bayeux : 1.500 volumes ; Coutances : 800
volumes environ ; Sées qui, du Mans, avait émigré au Centre Catholique Universitaire de
Caen : 1.200 volumes environ ; soit quelques 3.500 livres, surtout «usuels» ; un peu plus de la
moitié des livres de Coutances et de Sées ont d’ailleurs été rendus car faisant double ou triple
emploi et même plus…). Il faut signaler que Coutances et Sées avaient bien naturellement
conservé sur place le fonds de leur bibliothèque diocésaine. Il faut encore ajouter la
bibliothèque du Petit Séminaire (environ 12.000 ouvrages), autrefois entreposée au troisième
étage de «la malle» et surtout composée d’anciens livres «d’humanités» ; la rumeur disait
qu’elle avait possédé deux incunables, qui ne furent bien évidemment pas retrouvés lorsqu’il
fallut la déménager dans le bâtiment central, non plus que lors d’une grande opération de tri
réalisée en 1975 avec l’aide du P. Irénée Noye, p.s.s., alors secrétaire de l’ABEF (Association
des Bibliothèques Ecclésiastiques de France). D’autres fonds vinrent compléter cet ensemble,
provenant de prêtres défunts ou de personnalités ayant fait don d’une partie de leur
bibliothèque, comme par exemple le président Senghor ou M. Pichot, directeur régional
d’Électricité de France (EDF).
On arrivait ainsi au chiffre d’environ 50.000 volumes et revues en 1971, puis 70.000 selon un
article de La Croix de 1987 et aujourd’hui environ 90.000…
Les acteurs
Le premier responsable de la bibliothèque fut le P. Jean-Louis Angué, de 1970 à 1978. Il fut
secondé très vite par Mademoiselle Yvonne des Bouillons, bibliothécaire à l’Université de
Caen, aidée occasionnellement de sa collègue, Mademoiselle Madeleine Juhel, qui
acceptèrent bénévolement et avec une grande compétence d’enregistrer et ficher livres et
revues : travail ingrat, mais nécessaire, dont témoignent encore plusieurs registres d’inventaire
par formats dans le bureau de l’actuelle bibliothécaire (registres arrêtés en 2002 lorsque fut
entreprise l’informatisation générale).
Quand le P. Angué quitta le Séminaire en 1978, il fut remplacé par le P. Jean Foubert, dont le
goût pour les livres, le respect pour le fonds ancien et le souci du travail minutieux
constituaient une garantie de continuité et de développement. Il resta sept ans à ce poste (de
1978 à 1985) et fut relayé en 1985 par le P. Jean Debout (†), eudiste, qui garda le témoin
jusqu’en l’an 2000. C’est alors que le P. Bernard Port devint responsable jusqu’en 2013, où il
fut remplacé par Mme José Codréanu, puis par Anne-Laure Lion en octobre 2018.
D’autres personnes furent des artisans fidèles de la bibliothèque du Séminaire. Il faut citer en
premier lieu les différents supérieurs (Bernard Lagoutte de 1970 à 1978 ; Hippolyte Simon de
1978 à 1990 ; Xavier Signargout de 1990 à 2000 ; Loïc Gicquel des Touches de 2000 à 2005 ;
Régis Rolet de 2005 à 2012 ; Pierre-Antoine Bozo de 2012 jusqu’à la fermeture en 2015) ;
sans oublier les directeurs du CETh (le P. Philippe Léonard, Thomas Gueydier et Mme
Pascaline Lano). Il faut aussi nommer les membres de l’association des «Amis de la
bibliothèque», créée en juillet 1986 à l’initiative du Père Hippolyte Simon et présidée au
départ par M. Gabriel Langlois, inspecteur général de l’Éducation Nationale, puis par M. Max
Ebel († juillet 1999), professeur de Chimie à l’Université de Caen et mari de la professeure de
Grec de l’époque (leurs trois enfants alors très jeunes ont gardé un souvenir émerveillé de
journées de vacances passées à trier les livres du fonds ancien ou à découvrir les immenses
greniers du bâtiment central). Parmi les membres de cette association, on peut citer en
particulier les deux responsables des bibliothèques de l’Université et de la Ville de Caen,
Mesdemoiselles Thérèse Torchy et Geneviève Le Cacheux, qui furent ainsi les témoins du
souci d’ouverture vers les autres bibliothèques importantes de la capitale de Basse-Normandie. Les statuts de l’association ont été révisés en novembre 2014.
Madame Marie-Josèphe Baeyaert, lorsqu’elle prit en 1992 sa retraite de bibliothécaire à
l’Université, devint la vice-présidente de l’association des Amis et travailla beaucoup avec le
P. Debout pour continuer le travail de fichage et de catalogage. On ne saurait oublier les
personnes qui assurèrent des heures de permanence pour ouvrir la bibliothèque au plus grand
nombre : Mademoiselle Créancier, Mademoiselle Durel, Mademoiselle de Saint-Victor,
Madame Comby, Madame Lécluse, Madame Morel…
Enfin deux personnes furent embauchées pour assurer certaines tâches au-dessus des forces de
bénévoles : Madame Duchesne qui, depuis 1985, saisit et fiche chaque arrivée d’ouvrages, et
Madame Codréanu qui depuis 2002 a entrepris l’informatisation de tous les fichiers et est
devenue directrice de la bibliothèque en 2013.
Les lieux
La première installation de la bibliothèque dans des bâtiments inadaptés entraînait de
nombreux désagréments, dont la multiplication des niveaux et l’exposition à la lumière
n’étaient pas les moindres. C’est pourquoi, à l’été 1985, le P. Hippolyte Simon, supérieur,
dans un souci de rationalité et d’économie, entreprit de faire construire dans l’aile centrale du
Séminaire un demi-étage au-dessus du rez-de-chaussée qui abritait les réfectoires et dont la
hauteur de plafond atteignait plus de cinq mètres. On put ainsi disposer de plus de 2.000
mètres linéaires de rayonnages sur une surface de 300 m2
. En quinze jours, les séminaristes
réussirent l’exploit de déplacer quelques 70.000 livres et revues.
Par ailleurs, les travaux de «la tour» à la jointure des deux bâtiments du Séminaire, dont les
étages se situent à des hauteurs inégales, permirent en 1988 la création d’une salle de lecture
vaste et agréable, avec l’accès direct à un certain nombre d’usuels ainsi qu’aux divers fichiers.
Au moins cette réalisation a-t-elle survécu à l’usure du temps !
Car on croyait l’affaire terminée. Malheureusement, c’était sans compter avec les normes
tatillonnes de l’administration : le choix judicieux du P. Simon fut donc remis en cause par
une commission de sécurité qui exigea de tout défaire, parce qu’il manquait 15 cm de hauteur
de plafond et surtout pour des risques d’incendie. C’est ainsi qu’en l’an 2001 la bibliothèque
fut une nouvelle fois déménagée pour trouver place dans les anciennes caves voûtées qui ne
pouvaient plus être utilisées elles-mêmes comme réfectoire, pour raisons de sécurité, et
allaient ainsi servir de magasins pour nourrir les esprits. Piètre consolation devant ce que l’on
peut bien considérer comme un gâchis ou, du moins, comme un acharnement dans
l’application des principes…
Classement et contenu
Dès le départ, malgré les objurgations de Mademoiselle des Bouillons, soucieuse de
conservation, il fut décidé de ranger les livres, non pas par taille et au fur et à mesure de leur
entrée, comme cela se pratique couramment pour les entreposer plus facilement, mais par
grands sujets : cette solution permettait aux utilisateurs d’accéder directement aux rayonnages
et de s’y retrouver, tant que les divers fichiers n’avaient pas été établis.
C’est ainsi que furent constituées dix grandes catégories qui regroupaient les quelques 50.000
volumes présents dans la bibliothèque du Séminaire : «Usuels» (A), Écriture Sainte (B),
Théologie (C), Morale (D), Catéchèse et pastorale (E), Philosophie (F), Patristique (G),
Histoire de l’Église et Histoire générale (H), Liturgie (J) et Spiritualité (L). Cette
classification (plus de 22.000 volumes) fut abandonnée en 2002 avec l’entrée en vigueur de
l’informatique et la décision de ranger les livres par format selon les normes habituelles des
bibliothèques.
À cet ensemble il faut ajouter l’important fonds normand classé à part, les 12.000 volumes du
fonds ancien (ex Petit Séminaire) situés dans un étage du bâtiment central, et les collections
des quelques 200 revues ou périodiques recensés.
Pour des raisons pratiques et parce que leur consultation est plus fréquente, les grandes
collections classiques, au nombre d’une centaine (Patrologies de Migne, Sources Chrétiennes,
Corpus Christianorum, Études bibliques, Lectio divina, Lire la Bible, Théologie historique,
Unam Sanctam, Cogitatio fidei, etc.), sont regroupées tout près de la salle de consultation
dans des locaux qui s’avèrent malheureusement trop étroits.
Il n’est pas possible, dans le cadre de cette brève présentation, de détailler davantage le
contenu de cette bibliothèque ; mais les personnes intéressées pourront au moins découvrir
l’essentiel de sa «tradition patristique», dans le supplément au numéro 4 des Cahiers du
Centre d’Études Théologiques, qui reprend précisément une très belle conférence du P. Jean
Foubert, donnée le 13 décembre 1990.
Le «métier» de bibliothécaire
Pour terminer cette rapide histoire des origines, qu’il me soit permis, ayant été en quelque
sorte à la genèse de cette bibliothèque, de rappeler les trois grandes qualités de tout
responsable d’une telle entreprise.
– D’abord, il ne faut pas craindre de donner de son temps et de sa peine, ni de se salir les
mains ; au contraire, il convient de se rendre souvent dans les magasins pour ranger, repérer
les manques, vérifier l’état des livres, contrôler les retards, prévoir de nouveaux
emplacements quand certains domaines prennent de l’importance, etc. C’est sans doute cette
astreinte trop pesante qui contraignit le P. Foubert à abandonner le poste en 1985.
– Ensuite, il faut être attentif à toutes les parutions, passer de longs moment à dépouiller les
notices bibliographiques des grandes revues, suivre les collections (en particulier pour les
périodiques), reconstituer des ensembles, chercher à se procurer les ouvrages essentiels aux
meilleurs prix, aller récupérer les fonds légués ou donnés, etc.
– Enfin il convient de savoir choisir dans une production sans cesse grandissante, de retenir
d’abord ce qui pourra durer et de faire preuve de réalisme face aux demandes multiples et
toujours «fondamentales» des différents professeurs, étant donné les budgets très modestes
alloués par les diocèses et compte tenu de la nécessité de poursuivre les collections.
Merci donc à tous les bibliothécaires pour toutes les années passées au service des différents
utilisateurs et lecteurs, puisque 500 ouvrages environ viennent, bon an mal an, enrichir encore
aujourd’hui les rayons de la bibliothèque du Centre d’Études Théologiques de Caen, qui est
aussi la bibliothèque du diocèse de Bayeux.
26 février 2019
Jean-Louis Angué

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